BLOGUE de Sarah Janssen, publié le 8 déc. 2011 – La santé et l’environnement, NRDC (blogue américain, en anglais seulement)

Sarah Janssen

Hier, l’Institute of Medicine (IOM) a publié un rapport sur le cancer du sein et l’environnement. Le rapport (téléchargeable gratuitement) a été commandé par la fondation Susan G. Komen et a été écrit par un comité d’experts qui, pendant un an, a étudié et résumé les preuves scientifiques. Le comité a adopté une définition large d’« environnement », qui inclut tout ce n’est pas lié à des ­facteurs hérités par l’ADN.

Hier également, le rapport de 360 pages a été largement ­couvert dans les médias, etbien des manchettes ont mis l’accent sur la responsabilité personnelle pour éviter les facteurs « environnementaux » identifiés comme étant les plus fortement liés au cancer du sein. Rien de nouveau pour la plupart d’entre vous – ne fumez pas; évitez la présence des fumeurs; buvez avec modération; évitez l’hormonothérapie substitutive; évitez les radiations médicales inutiles; maintenez votre poids idéal et faites de l’exercice régulièrement.

À quelques exceptions près, la plupart de ces articles n’ont pas été plus loin et ont fait abstraction des recommandations plus importantes du rapport. Malheureusement, l’impression que nombre de manchettes ont laissée est que chacune d’entre nous a la possibilité d’éviter le cancer du sein, simplement par un mode de vie sain. Cependant, le rapport était beaucoup plus riche : il contenait d’importantes observations et recommandations qui ont été écartées par les médias grand public et qui, à mon avis, doivent être soulignées.

Premièrement, pour la fondation Komen, ce rapport est une avancée significative dans (sic) qui fait passer le débat de « comment traiter le cancer du sein » à « comment le prévenir ». Alors que nous avons fait de grands progrès dans le dépistage et le traitement, nous avons peu mis l’accent sur la prévention ou la recherche des causes du cancer du sein. Voilà un rapport qui lance le débat au niveau national.

Deuxièmement, le rapport a identifié un certain nombre de produits chimiques ayant un lien avec cancer du sein, dont beaucoup se trouvent dans la fumée de cigarette, comme le benzène et le 1,3-butadiène. D’autres produits chimiques comme les pesticides, le BPA, les phtalates et (sic) ont fait l’objet d’analyses qui ont révélé une « plausibilité sur le plan biologique » de lien avec le cancer du sein, mais parce qu’il n’y a pas eu d’examen par un organisme gouvernemental faisant autorité ou parce que la majeure partie de la recherche a été faite sur des animaux, le comité a conclu qu’il était nécessaire de poursuivre les recherches.

Assez paradoxalement, du même souffle, le comité déclare que les recherches menées sur les sujets humains sont insuffisantes, et il reconnaît qu’il n’est pas possible de faire des expériences à grande échelle sur des humains avec les produits chimiques trouvés dans notre environnement quotidien et qu’au niveau d’une population, l’impact de ces produits pourrait être significatif. En basant son opinion sur les résultats d’expériences limitées menées sur des humains et étayées par ceux d’expériences menées sur des animaux, le comité se déclare en fait favorable à la réglementation par le gouvernement de ces produits chimiques. Notamment en affirmant « reconnaître cependant que, selon les données existantes, le BPA et quelques autres substances peuvent présenter des risques pour la santé humaine et justifier que les organismes de réglementation envisagent des mesures en vue de réduire l’exposition future de la population », et en précisant que « les organismes de réglementation pourraient également tenir compte entre autres du fait que l’exposition à de multiples produits chimiques intervenant dans les mécanismes liés au cancer du sein (par exemple, les agents mutagènes, les dérégulateurs endocriniens) peut présenter un risque cumulatif qu’ils pourraient contrôler en partie en réglementant séparément chacune des substances en cause. » (Rapport d’IOM, p. 6-18, traduction libre)

Troisièmement, le comité reconnaît que notre environnement de réglementation actuel n’exige pas que les produits chimiques soient testés avant leur commercialisation. La plupart des produits chimiques n’ont jamais subi le moindre test de toxicité. Et s’ils ont fait l’objet de certains tests, dans la plupart des cas, leur rôle dans le développement du cancer du sein n’a pas été étudié.

Voilà l’une des principales raisons pour lesquelles nous avons besoin d’une réforme de la réglementation fédérale sur les produits chimiques, s’inspirant de la TSCA (loi américaine sur le contrôle des substances toxiques). C’est également ce qui explique que le NRDC a consacré plusieurs années à ce problème. Le comité encourage « … les efforts pour mieux informer les consommateurs et les professionnels de la santé sur les limites du rôle de la FDA, pour inciter les fabricants à identifier les substances à activité hormonale dans les produits de beauté et les compléments alimentaires, et pour veiller à ce que la FDA ait les outils nécessaires pour traquer les contaminants ou les ingrédients qui contribuent potentiellement à l’augmentation du risque de cancer du sein. » Il invite également « … les fabricants à améliorer les tests et à rendre l’information existante sur leurs produits plus facilement disponible. » (Rapport d’IOM, p. S-10, traduction libre)

Quatrièmement, le rapport fait 13 recommandations touchant les recherches à mener afin de mieux identifier et caractériser les causes environnementales du cancer du sein. Bien des recommandations sont sérieuses et pourraient si elles étaient mises en œuvre mener à des avancées significatives dans notre compréhension des causes du cancer du sein.

Une des recommandations principales est qu’à l’avenir la recherche sur le cancer du sein considère l’évolution de la vie dans sa globalité. L’évolution des connaissances nous a permis de comprendre que le développement des seins commence dans l’utérus et continue pendant la grossesse et la lactation. Cependant, une grande partie de la recherche sur le cancer du sein et l’exposition aux produits chimiques s’est concentrée sur des animaux adultes. L’étude de l’exposition pendant les périodes critiques du développement fournira des informations plus pertinentes sur la façon dont le cancer du sein se développe et sur l’impact de l’exposition aux produits chimiques pendant ces périodes de vulnérabilité.

Certaines de ces recommandations étayent celles faites récemment par un autre comité d’experts, le projet Breast Cancer and Chemicals Policy soutenu par le programme de recherche de California Breast Cancer. J’étais codirectrice de ce projet et j’ai blogué précédemment au sujet de ce rapport.

Parmi ces recommandations, une invitation à mener des recherches couvrant toutes les étapes du développement humain, de la période prénatale à l’âge adulte; qui identifient les changements précoces annonçant l’apparition du cancer du sein et permettent de prévoir qu’un produit chimique est potentiellement cancérigène; qui mettent l’accent sur des mécanismes tels que l’activité endocrinienne et les changements épigénétiques; et qui tiennent compte de l’impact des interactions chimiques. Le rapport renferme également d’importantes recommandations visant l’amélioration de l’analyse des produits chimiques, qui pourraient être mises en œuvre sans tarder si seulement des ressources y étaient consacrées.

J’espère que les organismes de réglementation et la fondation Komen regarderont au-delà des gros titres de ce rapport et prendront ces recommandations de recherche au sérieux, en leur allouant une plus grande partie des fonds destinés à la recherche.

Sarah Janssen, MD, PhD, MPH – La Dre Sarah Janssen est une scientifique expérimentée du programme Santé et Environnement du Natural Resources Defense Council (NRDC). À ce titre, elle fournit une expertise scientifique à l’appui des décisions de principe et de réglementation touchant un certain nombre de produits chimiques toxiques, y compris les perturbateurs endocriniens qui interfèrent avec la fertilité et la reproduction. Elle a entre autres fait de la recherche sur les produits ignifuges, les produits de beauté, les plastiques et les plastifiants, le cancer du sein et les risque pour la santé de la reproduction de l’adulte et pour le développement de l’enfant. La Dre Janssen est l’auteure de nombreuses publications et chapitres de livre évalués par les pairs.