
Nancy Riopel
PARTIE 3
Par quoi commencer aujourd'hui ? Je me sens très privilégiée depuis que les dames d'Action cancer du sein du Québec m'ont appris que mon premier billet avait suscité beaucoup d'intérêt. J'ai posté le lien vers le billet sur ma page Facebook et j'ai reçu des commentaires très positifs de la part de mes proches et de connaissances éloignées, qui m'ont dit avoir beaucoup appris de mon témoignage. Cela m'a fait chaud au cœur, car j'espère que toute femme qui recevra un diagnostic semblable à l'avenir pourra y faire face avec la force qui nous habite lorsque nous sommes bien informées. C'est animée par ces émotions que j'entame le 3e chapitre de mon histoire.
Aujourd'hui je veux vous faire part de ma rencontre avec mon équipe d'oncologie. Comme je l'ai évoqué dans mon dernier billet, cette partie de mon parcours a bien mieux commencé que les autres. Lorsque je suis arrivée à la clinique de cancérologie, j'ai été accueillie par de merveilleuses bénévoles et un personnel compatissant. J'ai été photographiée et l'on m'a remis un classeur en m'expliquant que je pourrais y insérer toute l'information que j'allais amasser tout au long de mon parcours de traitement. J'avais l'impression de devenir membre de quelque chose, de me joindre en quelque sorte à une équipe.
Mon premier rendez-vous ce jour-là a été avec l'oncologiste médicale. J'avais entendu et lu des choses formidables au sujet de l'approche compatissante de cette oncologiste et je me réjouissais de pouvoir enfin rencontrer quelqu'un qui accepterait que mon parcours de CCIS n'allait pas inclure une mastectomie ni des médicaments tels que le tamoxifène. J'espérais en apprendre davantage sur la façon de reprendre ma vie normale, en apportant des changements à mon mode de vie afin de diminuer le risque que mon CCIS ne se transforme en cancer du sein invasif. Je comptais aussi être informée sur le suivi de mon dossier et sur ce à quoi je pouvais m'attendre si j'étais parmi les 20-30% de femmes dont le cancer finit par évoluer.
L'infirmière en oncologie médicale m'a expliqué comment se déroulerait ma visite et m'a demandé d'enfiler une de ces chemises d'hôpital malcommodes, avec l'ouverture vers l'avant. La gorge nouée, au bord des larmes, j'ai pris mon courage à deux mains pour lui demander de prier la médecin que j'étais sur le point de voir de m'accorder une faveur. La voix tremblante, je lui ai dit : « Pouvez-vous lui demander de me traiter comme une personne pourvue de sentiments et de convictions ? » J'ai expliqué que j'avais vécu des rencontres assez traumatisantes avec des médecins qui n'avaient manifesté aucun intérêt pour moi ni pour ce qui me tenait à cœur. L'infirmière m'a assuré que j'allais être prise en charge par une équipe très compatissante et m'a encouragée à communiquer ce que je venais de lui dire à l'étudiante en oncologie et à l'oncologiste responsable. Elle m'a assuré que toutes deux auraient à cœur de comprendre mon vécu et feraient leur possible pour que je me sente comprise et appuyée.
Dès mon premier contact avec ces médecins, j'ai eu le sentiment que mon identité et mes préférences allaient être former une composante importante de mon parcours. L'étudiante en oncologie a effectué la première partie de mon évaluation. Comme si nous venions de faire connaissance lors d'une rencontre de réseautage et qu'elle voulait apprendre à me connaître, elle m'a questionnée sur ma vie de famille (avais-je des enfants, quels âges avaient-ils?) et sur comment je gagnais ma vie, en manifestant de l'intérêt pour mon occupation. Elle m'a aussi demandé ce que j'aimais faire pendant mon temps libre. Tout au long de son évaluation médicale rigoureuse, elle ne m'a pas bousculée et a démontré qu'elle comprenait combien cette visite était émotionnellement éprouvante pour moi. Elle a effectué un examen mammaire clinique bref mais rigoureux et m'a assurée qu'elle n'avait rien senti d'anormal.
Lorsque l'oncologiste médicale en chef est entrée dans la pièce, elle a vite remarqué que je portais toujours la vilaine chemise d'hôpital. Elle a demandé à tout le monde de quitter la pièce pour me permettre de me rhabiller et de me sentir plus à l'aise. J'ai été profondément émue par ce simple geste de compassion sur ce parcours tellement pénible.
Elle m'a fait part qu'on lui avait dit que j'étais bien informée sur le CCIS, que j'avais beaucoup lu sur mon diagnostic et que j'avais des opinions assez précises sur la façon dont je voulais procéder. Elle m'a dit qu'elle voulait s'assurer que je possédais toute l'information possible et qu'elle allait donc m'expliquer un maximum de choses. Elle a esquissé quelques croquis et m'a expliqué que le CCIS n'était pas un cas d'urgence et n'était pas une forme invasive de cancer. Elle a noté que toutes les cellules anormales étaient actuellement confinées dans les canaux lactifères et ne pouvaient pas atteindre d'autres parties de mon corps sans d'abord s'échapper de ces canaux.
Elle m'a expliqué que l'intervention médicale consisterait à diminuer le risque que les cellules qui actuellement semblaient cancéreuses puisse s'échapper des canaux lactifères. Expliquant que ceci pouvait passer par une chirurgie, elle s'est déclarée d'accord avec les réponses précédentes des chirurgiens, à savoir que dans mon cas cela impliquait malheureusement une mastectomie, car il était impossible de savoir d'où exactement provenait le CCIS qui avait été enlevé lors de ma réduction mammaire du sein droit. Elle m'a proposé quelques approches moins invasives qui pourraient comprendre l'usage du tamoxifène ainsi que l'irradiation complète du sein (je reviens là-dessus plus loin).
Bien que la durée prévue de ma consultation ne fût que d'une heure, l'équipe d'oncologie médicale m'a accordé tout le temps dont j'avais besoin et a passé près d'une heure de plus à répondre à toutes mes questions. L'oncologiste a accepté que je n'étais pas à l'aise avec l'idée de prendre du tamoxifène, le médicament recommandé, et s'est dit d'accord que cela n'était sans doute pas le médicament qui me convenait. En me serrant la main, elle m'a dit d'un ton encourageant qu'elle espérait ne jamais me revoir. J'ai interprété ceci comme voulant dire qu'elle me souhaitait bonne chance sur mon parcours et exprimait l'espoir que je n'aurais jamais besoin de la revoir pour un cancer invasif du sein.
La médecin suivante que j'ai vue était radio-oncologue. Ceci nous a étonnés, mon mari et moi, car nous n'avions jamais été avisés que la radiothérapie pouvait être une option de second choix à la place de la mastectomie. Cette médecin m'a expliqué que, puisque mon CCIS avait techniquement été enlevé (bien que les médecins ne fussent pas certains s'il en restait dans mon sein), on pouvait me traiter comme si j'avais subi une lumpectomie, qui est habituellement suivie, m'a-t-on expliqué, d'une radiothérapie dans le but d'éliminer toute cellule cancéreuse microscopique qui aurait pu subsister dans le sein.
Au départ, la médecin a été convaincante lorsqu'elle a expliqué le bien-fondé de la radiothérapie, à tel point que je l'ai même envisagée, même si cela m'obligerait à m'absenter de chez moi et à quitter ma famille pendant un minimum de 4 semaines. À prime abord, les avantages semblaient clairs. Cependant, à mesure que je posais plus de questions, je me suis rendue compte que la radiothérapie n'offrait aucune défense contre un CCIS de plus grande taille qui, selon la radio-oncologue, pouvait se cacher dans le tissu cicatriciel laissé par ma récente réduction mammaire. Elle m'a aussi expliqué que l'irradiation traverserait une petite partie de mon poumon et passerait bien sûr par les os de ma cage thoracique. Elle m'a expliqué que cela pouvait mener à d'autres problèmes, dont le cancer des poumons ou le cancer des os. Il est important de noter qu'elle a insisté sur les avantages de la radiothérapie tout en en minimisant les risques.
Le point tournant pour moi est venu lorsqu'elle a précisé que la radiothérapie du sein ne pouvait être pratiquée qu'une seule fois. Une fois que j'aurais subi les 20 traitements d'irradiation qu'elle recommandait, je ne pourrais plus jamais recevoir de radiothérapie. Ceci voulait dire que, si plus tard on découvrait un reste de CCIS de mon diagnostic initial, ou en cas de récurrence du CCIS, ou si - Dieu m'en garde - j'étais atteinte d'un petit cancer invasif, je n'aurais d'autre choix que d'avoir une mastectomie : la lumpectomie serait alors exclue, car elle devrait être suivie d'une radiothérapie, intervention qui ne me serait plus permise si j'allais de l'avant avec la radiothérapie à ce stade-ci. Ma décision était prise. Il n'y avait aucune raison valable de croire que le CCIS n'avait pas été complètement enlevé lors de ma réduction mammaire. Pour l'instant, je voulais garder en réserve une solution de rechange, au cas où j'en aurais besoin par la suite si je développais un cancer du sein invasif. N'oubliez pas que la notion même d'une mastectomie me répugnait.
J'ai donc déclaré que je n'étais pas intéressée à subir une radiothérapie et j'ai tenu tête à la radio-oncologue, qui me suppliait quasiment d'accepter ses services. Alors qu'elle prétendait ne pas vouloir m'influencer et affirmait qu'elle respecterait ma décision, elle a continué à exercer des pressions verbales et non verbales pour m'amener à accepter le traitement proposé. Je suis tellement heureuse d'avoir appris un maximum avant de prendre une décision, car sans ce dernier élément d'information j'aurais peut-être accepté un traitement dont je pense à présent qu'il n'était jamais justifié et qui aurait pu entraîner diverses conséquences nuisibles.
L'équipe d'oncologie médicale et la radio-oncologue m'ont demandé la permission de faire examiner mon dossier par leur équipe multidisciplinaire. Ils ont déclaré qu'ils voulaient pouvoir discuter de mon cas au sein de ce groupe parce que mon diagnostic avait été obtenu de façon si inhabituelle, le CCIS ayant été découvert suite à une chirurgie de réduction mammaire.
Étant quelqu'un qui respecte la discussion et qui apprécie la diversité des opinions, j'ai dit oui. Je voulais qu'ils discutent du fait que la seule preuve de la maladie se trouvait sur une lame de microscope dans un laboratoire à Toronto et que mon statut actuel était ce que l'appelle ASM (aucun signe de la maladie). On m'a dit que l'équipe se réunirait dans les prochaines semaines et formulerait des recommandations à mon sujet. J'ai accepté de prendre part à une vidéoconférence de suivi afin de passer en revue les recommandations, à deux conditions près : 1) que l'équipe mette l'accent sur comment je devrais être suivie sous surveillance active, puisque cela était mon traitement de choix et 2) que mon médecin de famille participe à la vidéoconférence pour lui permettre d'apprendre de première main les recommandations de surveillance. Bien que cette coordination des médecins ait manifestement posé un problème à la clinique, il a été convenu de planifier la vidéoconférence en passant par mon médecin de famille, pour lui permettre d'assister à la discussion.
J'ai quitté la clinique de cancérologie avec le sentiment d'avoir repris un peu le contrôle de mon destin et satisfaite de ma décision de refuser la mastectomie, le tamoxifène et la radiothérapie. Il me restait des questions quant à la définition exacte de la surveillance active et j'avais l'intention de poursuivre ma recherche.
Au cours des semaines suivantes, j'ai malheureusement déchanté du processus, car il avait éclipsé la compassion que j'avais ressentie au début de la part de mon équipe d'oncologie. Je me suis heurtée à une série d'obstacles à mesure que je suivais les procédures imposées par mon équipe d'oncologie pour poser et recevoir des réponses à toutes les questions qui me venaient. L'oncologue médicale m'a avisée qu'elle était stupéfaite que j'aie refusé la radiothérapie. J'ai été découragée d'apprendre que la radio-oncologue ne répondrait pas à mes questions sur la possibilité de me classer selon l'index pronostique de Van Nuys sans un rendez-vous de télémédecine par vidéoconférence, ce que j'ai accepté à condition que ce rendez-vous ne servirait qu'à répondre à mes questions et non à me présenter les recommandations de l'équipe multidisciplinaire au sujet de mon cas.
Ma rencontre suivante avec la clinique d'oncologie a donc pris la forme d'une vidéoconférence de télémédecine avec la radio-oncologue que j'avais vue quelques semaines auparavant. Dans mon esprit, la rencontre avait pour but de me faire part de mon score pronostique de Van Nuys, qui est assorti de recommandations de traitement, et d'obtenir le nom de l'autre test semblable qui semblait suggérer que j'étais à risque intermédiaire de développer un cancer du sein invasif. À ma consternation, la radio-oncologue s'est rapidement lancée dans une présentation des recommandations du COMITÉS DES TUMEURS, nom qu'elle a donné à l'équipe multidisciplinaire. Elle a déclaré que TOUTE l'équipe était d'avis que je devais subir une mastectomie, position qui n'avait rien d'étonnant. Elle a poursuivi en disant que tous convenaient que la radiothérapie n'était pas du tout recommandée, car elle ne serait pas utile ; ceci en dépit du fait que deux semaines auparavant elle m'avait presque suppliée d'accepter la radiothérapie si je n'étais pas disposée à subir une chirurgie.
Finalement, la radio-oncologue a dit que l'équipe était d'avis que, si je refusais de subir une mastectomie, je devrais prévoir passer une mammographie et une échographie tous les 6 mois, ainsi qu'une IRM avec agent de contraste une fois par an. Ceci est 10 fois plus d'examens que le nombre recommandé pour une femme moyenne qui a 12% de chance de développer un cancer du sein au cours de sa vie. J'étais estomaquée. Selon ce que j'avais lu au sujet d'une étude de l'Université Duke sur la viabilité de la surveillance active, seule une mammographie tous les six mois était recommandée, sans échographie ni IRM, donc 2 examens par année. Mon équipe en recommandait 5 par année pour moi. Je suis sortie de ce rendez-vous avec le sentiment d'avoir été prise de court et ignorée, surtout lorsque je citais les 3 études à grande échelle (COMET, LORD, LORIS) qui avaient réparti des femmes atteintes de CCIS de façon aléatoire entre les soins normaux et la surveillance active et que la radio-oncologue n'avait pas la moindre idée que ces recherches étaient en cours.
Mon mari et moi avons eu des conversations pénibles au cours des prochains jours. Il est devenu évident que nous n'avions pas la même vision de ce qui constitue une bonne relation médecin-patient. Mon mari trouvait qu'en remettant en question leur savoir et leur compréhension de la recherche courante je n'accordais pas aux médecins le respect qu'ils méritaient. Il me disait qu'il appuierait ma décision, quelle qu'elle soit, mais je me suis sentie seule et sans soutien parce qu'il n'était pas intervenu pour partager tout ce que nous avions lu ou étudié ensemble lorsque les soi-disant experts réfutaient la validité de la recherche que j'avais lue ou les processus dans lesquels je voulais m'engager. Pendant toute cette période, nous avons longuement parlé de ce dont j'avais besoin de sa part, et je dois reconnaître qu'il m'a complétement appuyée une fois qu'il avait compris ce dont j'avais besoin et pourquoi. Avec la pratique et du soutien, il a pu entamer notre rendez-vous suivant avec une demande ferme adressée aux médecins, les priant de me laisser diriger la discussion et de répondre aux questions que j'avais formulées. Je sais qu'il a dû sortir de sa zone de confort, mais il a habilement dressé la table pour me permettre de défendre mes droits et de retrouver un sentiment de maîtrise de ma propre vie.
Maintenant que mon mari avait ouvert la voie pour me permettre de diriger le rendez-vous en télémédecine, j'en ai profité pour exprimer ce que je ressentais et pour poser des questions qui, je l'espérais, inciteraient l'équipe médicale à faire preuve de réflexion, d'empathie et de compréhension. J'ai commencé par communiquer à mon médecin de famille et à ma radio-oncologue que les rendez-vous précédents m'avaient donné le sentiment de ne pas être écoutée, d'être méprisée et ignorée. J'ai expliqué que j'avais été très mécontente de la façon dont s'était déroulé le dernier rendez-vous en télémédecine. J'ai signalé que la radio-oncologue s'était emparée du rendez-vous, m'avait empêchée de poser les questions sur lesquelles le rendez-vous était censé porter et avait plutôt communiqué les recommandations de l'équipe soignante multidisciplinaire qui devaient être traitées aujourd'hui. J'ai poursuivi en disant que je n'étais pas satisfaite des recommandations de l'équipe multidisciplinaire et que je ne comprenais pas le processus qui avait amené les médecins à formuler leurs recommandations. J'ai ensuite parcouru une série de questions préparées d'avance sur la manière dont l'équipe multidisciplinaire arrivait à ses recommandations.
Voici les questions que j'ai posées et les réponses qui m'ont été données par la radio-oncologue :
1 – Veuillez énumérer les titres des professionnels ayant participé à la discussion de mon dossier, y compris toute spécialisation, telle qu'un fellowship en oncologie, obtenue par les chirurgiens généralistes.
La radio-oncologue n'a pas pu énumérer les professionnels présents le jour de la discussion de mon dossier. Elle n'avait aucune idée si les chirurgiens qui y avaient participé avaient effectué des fellowships en oncologie (en fait, aucun des chirurgiens de l'équipe n'avait fait un tel stage de recherche). Elle a noté qu'il n'y avait aucun radiologiste au sein de l'équipe, même si les recommandations principales qui m'intéressaient portaient sur quel examen administrer et à quelle fréquence. Elle a dit que l'équipe ne comptait aucun psychologue ni travailleur social, alors que je lui avais expliqué auparavant que je souffrais d'anxiété et que j'étais convaincue qu'une mastectomie provoquerait une grave dépression et diminuerait mes capacités cognitives, mentales et affectives.
2 – Veuillez énumérer les éléments de mon dossier qui ont été discutés dans le but de formuler les recommandations et fournir les preuves convaincantes à l'appui d'une intervention chirurgicale plutôt que d'une surveillance active dans mon cas.
La radio-oncologue a dit que l'équipe avait discuté du fait que mon CCIS avait été trouvé dans les tissus enlevés de mon sein lors d'une réduction mammaire. Elle a noté que l'équipe s'inquiétait que le CCIS n'avait peut-être pas été retiré au complet, ou que même s'il avait été complètement retiré il était possible que la marge de tissu sain entourant le CCIS ait été insuffisante. J'ai demandé si l'équipe avait discuté de ma crainte de souffrir d'une grave dépression débilitante si je me soumettais à une mastectomie, surtout si l'analyse du tissu retiré lors de la mastectomie ne révélait aucun signe de la maladie. Tout en confirmant qu'une mastectomie pouvait ne pas révéler de preuve de la maladie, ce qui voudrait dire que le cancer avait été retiré au complet lors de la réduction mammaire, elle a déclaré que l'équipe n'avait discuté ni de mes antécédents de maladie mentale ni de mes préoccupations actuelles qu'une chirurgie mènerait à de graves problèmes mentaux et à une incapacité.
3 – J'ai ensuite demandé à la radio-oncologue si l'équipe avait pris en considération les risques de la chirurgie ou d'un surdiagnostic.
La radio-oncologue a minimisé l'importance des risques de la chirurgie par rapport au risque de mourir du cancer du sein. Elle parlait comme s'il était établi avec certitude que le fait de ne pas subir de mastectomie mènerait à la fois à un cancer du sein invasif et à la mort.
4 – J'ai ensuite demandé combien d'attention avait été accordée à ma tolérance du risque de développer un cancer du sein par rapport à ma tolérance du risque d'un surtraitement. J'avais déjà communiqué que j'étais prête à assumer le risque de développer un cancer du sein invasif à un moment donné de ma vie mais que je n'étais pas disposée à courir le risque d'apprendre que j'avais subi une mastectomie inutile parce que le CCIS avait été retiré au complet lors de la réduction mammaire (ce qui, m'a-t-on dit, était une véritable possibilité).
La radio-oncologue m'a dit que l'équipe n'avait pas discuté de cela parce ce genre de chose n'est pas pris en considération.
5 – J'ai demandé si les membres de l'équipe étaient au courant des 3 importants essais cliniques en cours sur la surveillance active et s'ils en avaient discuté.
Bien que je lui aie communiqué l'information au sujet de l'essai clinique COMET à peine 5 jours auparavant, elle a dit qu'elle n'était au courant d'aucune de ces études et qu'aucun membre de l'équipe n'avait évoqué la moindre chose au sujet de ces essais cliniques. Même lorsque je lui ai dit que je croyais savoir que toutes ces études avaient réparti les femmes atteintes de CCIS de façon aléatoire entre le traitement habituel et la surveillance active, elle a affirmé QU'AUCUN MÉDECIN N'ACCEPTERAIT JAMAIS DE LAISSER UN CCIS DANS UNE PATIENTE. Elle a maintenu sa position même lorsque je lui ai expliqué que j'étais familière avec l'éthique de la recherche et que je savais que qu'aucun comité d'éthique n'autoriserait la randomisation des femmes vers une surveillance active s'il n'existait pas déjà une foule de données démontrant que l'approche consistant à patienter et à observer était probablement tout aussi bonne que la mastectomie ou que la lumpectomie suivie de la radiothérapie.
6 – Veuillez expliquer les raisons du type et de la fréquence des examens de dépistage recommandés.
Tout ce que la radio-oncologue a pu répondre était qu'il s'agissait d'une opinion d'experts ; elle a été incapable d'offrir la moindre explication ou justification de cette recommandation. Lorsque j'ai demandé pourquoi aucun radiologiste n'avait été présent, elle a simplement rejeté ma question en affirmant qu'il n'y avait jamais de radiologiste présent à ces réunions. Lorsque j'ai posé quelques questions sur le risque associé à tous ces examens, surtout les 2 mammographies par année, elle a répété que les risques posés par ces examens valaient mieux que le risque de ne pas les subir ; elle a écarté mon évaluation de chacun de ces risques. Il est important de noter que la mammographie est controversée depuis longtemps. Les recherches semblent indiquer qu'il existe une forte proportion de faux résultats positifs et négatifs, menant à des surdiagnostics et à des surtraitements et pouvant même augmenter la chance de développer un cancer du sein en raison du fait que l'irradiation est un cancérigène connu.
Nonobstant le fait que la radio-oncologue avait à peine répondu à mes questions et avait révélé que bien des éléments du casse-tête qui me tenaient à cœur n'avait pas fait partie de la discussion par l'équipe multidisciplinaire, je me suis sentie beaucoup mieux. J'avais le sentiment d'avoir repris le contrôle de ma santé et de mon traitement et que j'avais clairement communiqué que je n'allais pas me laisser berner ou intimider dans le but de me faire accepter l'avis de professionnels moins bien renseignés que moi sur l'état actuel de la recherche sur le CCIS et qui refusaient de me traiter comme une personne à part entière plutôt qu'une tumeur.
J'ai terminé la conférence en télémédecine par deux déclarations. J'ai recommandé que le centre évite d'utiliser l'expression « comité des tumeurs » pour décrire le comité multidisciplinaire lorsqu'il s'adressait aux patientes. La radio-oncologue avait employé ces termes chaque fois qu'elle m'avait parlé de l'équipe multidisciplinaire tout au long du rendez-vous. Je lui ai rappelé que je suis bien plus qu'une simple tumeur ou qu'un amas de cellules. Je lui ai rappelé que les soins aux patientes devraient être centrés sur les patientes et tenir compte de l'ensemble de la personne sur le plan mental, cognitif, spirituel et physique. J'ai aussi recommandé que le centre permette aux patientes de participer aux discussions avec les équipes afin de pouvoir entendre ce que les professionnels avaient à dire et de s'assurer que ce qui leur tenait à cœur soit au centre de la formulation des recommandations.
J'ai conclu par la déclaration suivante : « Veuillez fermer mon dossier et annuler tous mes rendez-vous futurs. » Je ne me sens ni comprise ni respectée des professionnels de cette clinique et je vais donc m'adresser ailleurs pour obtenir des services. Mon médecin de famille n'a pas été enchanté de ces paroles de clôture. Mon mari, en revanche, a enfin compris la profondeur de mon besoin d'avoir le contrôle de mon propre parcours.